lundi 7 mars 2016

Yggdrasil chapitre 3

Chapitre 3

            — Tu étais obligé de prendre la route la plus cabossée du monde ? s'agaça Dr Niide.

Le chemin était effectivement bosselé à l'extrême, et la route penchait tantôt sur la gauche, tantôt sur la droite.

Son estomac n'était pas particulièrement amateur de ce tangage.

            — Je ne vois pas en quoi cela te pose un problème, cette route est tranquille, et je trouve que tu exagères un peu, lui rétorqua Doc Julien avant de reprendre une gorgée de sa mixture favorite.
            — Evidemment, avec tout ce que tu t’enchaînes d'alcool depuis le début de notre trajet, pour toi cette route doit être aussi lisse que la peau d'un nouveau né puisqu'elle contrebalance les vertiges de ton ivresse.
            — Parfaitement monsieur, parce que je m'adapte moi.

Depuis le début de leur périple, Dr Niide et Doc Julien n'avaient pas arrêté de se contredire et de se chamailler, comme si cela était une obligation.

Ils étaient partis depuis une dizaine de lunes. Leur intérêt commun pour un départ précipité de Reus, en territoire FMC, les avait amené à prendre la route ensemble. Dr Niide avait perdu son cheval sur une embuscade, en plein coeur de la ville, et Doc Julien s'était retrouvé un peu contraint de fuir lui aussi suite à des dégâts matériels importants. "Un accident minime et vite contenu" disait il, mais Dr Niide le reprenait souvent en lui rappelant qu'il avait manqué de faire partir en fumée la moitié de la ville, juste en voulant faire une démonstration de ses pouvoirs pour attirer l'attention d'une elfe qui semblait peu réceptive à son charme.

Suite à un concours de circonstance que Dr Niide ne s'expliquait toujours pas, ils s'étaient retrouvés sur le même chariot, à fuir Reus, de nuit, dans un anonymat nécessaire.

Sa santé était de plus en plus fragile, des douleurs le rongeaient au quotidien, à tel point qu'il ne se souvenait plus de la chance que cela était de vivre une journée sans souffrance physique. Il avait du abandonner ses potions antalgiques à Reus, et aujourd'hui il le payait.

Doc Julien avait vite compris que Dr Niide était souffrant, mais il avait aussi senti que ce n'était pas à lui d'aborder le sujet et que cela viendrait de son compagnon de trajet le moment venu.

Dr Niide ne supportait plus cette route, la nausée s'ajoutait à ses douleurs habituelles. Il aurait largement préféré être à nouveau sur un cheval plutôt qu'assis à l'avant d'un chariot dont les roues tremblaient plus qu'un enfant à qui l'on raconte pour la première fois la légende du premier Roi Crestor[1].

Il proposa cette alternative à Doc Julien qui accepta. CHacun de leur coté ils se demandèrent silencieusement pourquoi il n'y avait pas pensé plus tôt.

Malheureusement, lorsqu'ils tentèrent de détacher les chevaux pour se délester du chariot, les "maudits canassons", comme ils les appelaient désormais, étaient devenus de vraies furies, rendant la tache impossible. Ils étaient donc condamnés à traîner un chariot  remplit de tonneaux, et équipés de roues brinquebalantes.

Finalement, la route finit par s'améliorer sur une courte parcelle, et leur offrit une échappatoire temporaire avec une petit chemin venant de sa droite.

            — Cela doit mener à une habitation, nous devrions suivre cette route, suggéra Dr Niide, qui aurait vendu son âme pour une pause, sur un terrain plat.
            — De toute façon, la nuit ne va pas tarder à tomber, autant sortir de la route principale, ajouta Doc Julien.

Dr Niide avait vu juste, la route menait à une petite maison en bois, la taille de sa porte d'entrée laissait deviner que le propriétaire, s'il y en avait un, dépassait à peine le mètre de haut.

Après être descendu du chariot, non sans mal pour Dr Niide dont les membres étaient tétanisés par la douleur, Doc Julien, frappa à la porte, avec la non délicatesse dont il savait faire preuve.

            — Qui êtes vous ? Qu'est ce que vous voulez ? Partez d'ici ! lâcha une voix de l'autre coté de la porte
            — Dans quel ordre ? répondit Doc Julien, parce que si on part en premier, il faudra qu'on parle fort pour répondre à vos questions, ce qui n'est certes pas impossible mais semble peu logique.

Dr Niide regarda Doc Julien pour lui signifier que leur position ne leur permettait d'aborder l'inconnu avec des réponses sarcastiques. Puis il prit la parole.

            — Excusez mon compagnon, nous sommes des voyageurs et nous cherchons un refuge pour la nuit. Je comprends votre méfiance, mais je peux vous assurer que nous ne vous voulons aucun mal, et nous pourrons même vous payer en vous offrant le tonneau de votre choix parmi ceux que nous transportons.

La porte s'ouvrit et laissa apparaître un hobbit, méfiant, mais apparemment prêt à accéder à la demande de nos deux voyageurs.

            — Vous êtes deux, ce sera deux tonneaux, et je les choisis dès maintenant.

Ce fut la premier instant, depuis le départ, où Dr Niide fut heureux d'être parti de Reus en chariot.
En chemin, Doc Julien et lui avait jeté un coup d'oeil à ces tonneaux, histoire de s'assurer qu'ils ne contenaient rien de dangereux ou d'instable, surtout à quelques centimètres des mains magiques mais maladroites de Doc Julien. Ils furent rassurés en découvrant qu'il s'agissait de tonneaux d'épices.
Après avoir choisi ses deux tonneaux et avoir demandé aux deux aventuriers de les déposer dans son salon, Totomathon accepta de les accueillir chez lui. Il leur proposa de tester ses nouvelles épices en cuisinant un plat dont il avait le secret.

Dr Niide apprécia cette proposition, espérant qu'une fois son estomac plein, une part de ses maux seraient amoindris.
Doc Julien, qui décuvait doucement, n'arrêtait pas de fixer les pieds de son hôte. Totomathon feignit initialement ne pas y prêter attention, et engagea la conversation avec Dr Niide tout en leur servant leur assiette.

            — Qu'est ce qui vous amène en plein milieu de la foret ? Je n'ai pas l'habitude de croiser des voyageurs, c'est d'ailleurs une des raison qui fait que je me suis installé ici.
            — Nous voyageons sans but réel, simplement animés par le gout de l'aventure, et en parlant de gout permettez moi de vous dire que votre plat est une merveille.

Doc Julien qui n'avait toujours pas dit un mot, continuait de fixer, sans la moindre discrétion, les pieds de Totomathon.

            — Quoi, c'est quoi le problème avec mes pieds ? Vous n'avez rien d'autre à faire que de les fixer bêtement comme ça ? s'agaça le hobbit.
            — Non mais ils sont poilus, tellement poilus qu'au début je doutais de la présence de pieds en dessous, répondit sincèrement Doc Julien.

            — Ils sont comme ça parce qu'ils ne sont pas autrement, et s'ils ne vous plaisent pas, vous n'avez qu'à ne pas les regarder.
            — Oui, mais la, j'ai plutôt l'impression que c'est eux qui me fixent.

La remarque énerva Totomathon.

            — Vous savez où vous pourriez ne pas les voir ? Dehors, dans le froid, à la merci de la foret. Alors si vous continuez à les fixer ou si vous faites une autre remarque de ce genre vous vous retrouverez de l'autre coté de ma porte avant d'avoir eu le temps de comprendre ce qui vous arrive.

Dr Niide remarqua une ombre qui venait de passer derrière une fenêtre du salon.

            — Il y a quelqu'un d'autre ici ? demanda t'il à Totomathon
            — Non, comme je vous l'ai dit, j'ai choisi de vivre ici pour profiter du calme et de la sécurité que procure une certaine solitude.
            — Alors nous ne sommes pas seuls,  lâcha Dr Niide avant de faire signe aux deux autres de ne plus faire le moindre bruit.

Doc Julien se redressa de son siège, et alla se poser dans l'angle le moins éclairé de la pièce. Dr Niide sortit son épée de son fourreau, dans un silence qui n'était plus brisé que par le crépitement des braises sous le chaudron dans lequel Totomathon venait de cuisiner. Le hobbit restait debout, dos au feu, immobile, il ne comprenait pas ce qu'il se passait, et ne savait où se mettre.

La porte d'entrée fut détruite par un coup de pied puissant et trois hommes firent irruption dans la pièce, arme à la main, visage masqué par un casque en fer.

            — C'est lui. Tuez le, dit un des trois hommes.

Totomathon n'arrivait plus à bouger ses muscles, il avait reculé et était collé contre le mur, cloué sur place.

Dr Niide se jeta sur celui qui était le plus proche et l'embrocha, jusqu'à ce que le pommeau de son épée soit bloqué par la peau de sa victime.

D'une incantation rapide Doc Julien fit monter la température du casque de celui qui allait tuer Totomathon, jusqu'à ce que son casque se mit à fondre à même son crâne, le liquéfiant par la même occasion.

Décontenancé par la tournure des événements, le troisième homme eut à peine le temps de se retourner que la lame de Dr Niide avait déjà fait une entaille sur son abdomen, laissant jaillir ses intestins sur le sol.

            — Mais bordel de bon dieu de bois qu'est ce qui vient de se passer ici ? bégaya Totomathon, sous le choc.
            — De toute évidence, ils n'étaient pas ici pour nous, c'est donc plutôt à vous de nous dire ce que signifie tout cela,  répondit Dr Niide.
            — Mais je n'en sais rien, je ne connais pas ces types, et je ne comprends pas pourquoi quelqu'un me voudrait du mal. Ça n'a aucun sens.

Doc Julien les interpella          .
            — Regardez ça, ça vous dit quelque chose ?.
Il leur montra le tatouage que l'un des cadavres avait au niveau de la nuque.

            — Non, répondirent Dr Niide et Totomathon
            — Mais ce qui est sur, ajouta Dr Niide, c'est qu'il vaudrait mieux rester sur nos gardes cette nuit et partir dès le lever du soleil.

**

            — Je vous remercie d'être venu aussi vite, entama Christian Lehmann.

Ils étaient trois autour du feu.

Ce campement de fortune, avait dû être improvisé devant l'urgence de la situation.
A l'aide d'oiseaux voyageurs, Christian avait pu les prévenir, et leur demander de le retrouver au plus vite en ce lieu.

            — Ce que je vais vous annoncer doit absolument rester entre vous et moi. Et je crains que certaines personnes mal intentionnées soient déjà au courant et que le temps nous soit compté pour éviter que le pire ne se produise.

PiR BDA et Elliot_Reid écoutèrent ses explications. Dès les premiers mots, ils réalisèrent l'ampleur de ce qui allait arriver et l'importance de leur mission.

            — Je ne peux faire confiance qu'à vous, même si j'aimerai que nous soyons plus nombreux, je ne peux me permettre de laisser filtrer cela à d'autres personne du clan, et je vous invite à en faire de même.
            — Est-ce que tu sais combien ils sont ? demanda PiR BDA.
            — Non, je n'ai pas de chiffre exact, et les écrits ne mentionnent rien à ce sujet, lui répondit Christian.
            — Evidemment, en même temps si une prophétie était précise et claire pour une fois, sans métaphore alambiquée ni donnée incomplète ce serait trop facile,  ironisa Elliot.
            — Tout ce que je sais c'est que cela a commencé il n'y a pas longtemps. Les personnes concernées ne sont peut-être pas toutes au courant, pour elles rien n'a changé. Mais on ne peut exclure que certaines ne l'ait découvert. Cela pourrait compliquer notre tâche.
            — Mais comment on va faire pour les trouver si l'on ne connait ni leurs noms, ni leur nombre ? s'inquiéta PiR BDA.
            — Il n'y a que deux moyens. Soit nous trouvons un ou une  des élus qui a pris conscience de son pouvoir. Il ou elle pourra alors ressentir les autres avec un minimum de concentration. Ou alors il nous faut retrouver la bague en mithrite noble, la bague de la première reine Yggdral qui permet à quiconque la porte de retrouver ceux qui ont été choisis, leur expliqua Christian.
            — Et où est cette bague ? demanda Elliot, pragmatique.
            — Malheureusement, je ne sais pas. Sa trace a été perdue il y a des années et l'on raconte des centaines d'histoires à son sujet et sur sa localisation.

            — Parfait, nous n'avons plus qu'à espérer trouver une bague qui peut être n'importe où, ou de tomber par hasard sur quelqu'un qui a découvert qu'il était un élu de la prophétie et de s'en servir comme compas, s'agaça PiR BDA, inquiet de la complexité de la tâche qui les attendait.
            — Ce n'est malheureusement pas tout, ajouta Christian, je connais l'un d'eux.
            — Ah, ben il fallait commencer par la, dit Elliot, en lâchant un soupir de soulagement.
            — Ce n'est pas une bonne nouvelle, j'en ai peur. Il marqua un silence, avant de reprendre, il s'agit du seigneur Amrah.
            — Sérieusement ? demanda PiR BDA, qui avait encore l'espoir que cela était une mauvaise blague.
            — Non, j'en ai bien peur, cela explique pourquoi tous les autres sont en danger, et pourquoi nous devons faire vite, car leur temps est compté, et par extension le notre aussi.
            — Par où doit on commencer alors ? demanda Elliot.
            — Nous allons partir chacun de notre coté, toi, PiR, tu vas essayer de trouver des informations sur cette bague, je ne sais pas encore comment, mais il faut essayer de mettre la main dessus. Elliot, il faudrait que tu trouves une piste, je ne sais encore comment, pour que nous puissions trouver au moins l'un des élus. Si l'un de vous deux réussi, nous avons peut-être une chance.

            — Et toi ? demanda PiR BDA.
            — Je vais m'occuper d'Amrah, le plus important étant qu'il ne soit, en aucun cas, le dernier.

Une inquiétude put se lire instantanément sur les visages de Pir et Elliot.

            — Tu comptes vraiment partir seul pour le Royaume du Crestor ? C'est du suicide. On devrait y aller tous les trois, proposa Elliot.
            — Non, c'est trop dangereux, je suis le seul qui a une chance de survivre derrière les Murs, et si j'échouai, il vous appartient de trouver et de protéger les autres jusqu'à ce que la prophétie se réalise.
            — C'est de la folie, de la folie pure. Mais tu as raison. Je comprends ta stratégie, et je suis d'accord, nous partirons demain à l'aube, conclut Pir.



[1] Un conte très ancien, se passant dans le Royaume homonyme, et dont les détails sanglants n'ont pas lieu de se retrouver dans ce récit aujourd'hui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire