Autre leçon tirée pendant ce stage, ce que j'appelle le
doute par l'expérience. Bien sur parler d'expérience pour un interne de premier
semestre est très relatif, mais il suffit qu'un cas vous marque et c'est une
remise en question de toute votre démarche diagnostic. Mme L consulte aux
urgences fin février, elle présente des maux de tête depuis plus d'un mois qui
fluctuent dans le temps, elle est parfois soulagée par la simple prise de
paracétamol. Elle est accompagnée de son mari qui est très anxieux car,
m'explique-t-il, « [il] a perdu sa soeur d'une rupture d'anévrysme il y a
un mois ». L'examen clinique de Mme L retrouve une tendance à la
rétropulsion, mais aucune autre anomalie. Dans le doute, je demande l'avis d'un
chef, qui m'explique que si elle a mal depuis un mois ce n'est pas une urgence
sauf examen neurologique nettement anormal, il me suggère de lui prescrire de
l'advil et de l'ixprim pour ses maux de tête dans les cas où le paracétamol ne
suffirait pas. Je retourne expliquer cela à la patiente, mais insatisfait de ma
prise en charge, ou peut être influencé par l'histoire du mari (je ne saurai
jamais), je décide de lui prescrire une scanner cérébral à faire en ville. Deux
semaines plus tard, Mr L de demande à l'accueil des urgences, et me montre le
scanner de sa femme avec une tumeur de taille imposante et demande "Vous
en pensez quoi ?". Finalement Mme L a été hospitalisé le jour même et
opéré en neurochirurgie quelques jours après sans séquelle. Mais désormais, je
ne verrai plus des céphalées persistantes de la même manière, en accord ou non
avec les recommandations de l'HAS. Et surtout, je ne prendrai plus jamais pour
parole d'Evangile ce qui vient d'un supérieur, sans jamais manquer de respect
mais toujours en confrontation avec mes propres idées et mon propre ressenti
devant le ou la patiente. Peut-être était-ce la début de ma vraie formation.
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