La médecine c’est aussi de l’imprévu, on pense qu’on
commence à voir venir les choses, on se sent plus confiant après quelques mois,
on repère plus facilement les patients « à risques », mais rien n’est
plus imprévisible qu’un patient. Rien. Je me souviens de cette patiente
consultant pour une constipation, avec comme antécédent un diabète
insulino-dépendant. Il était 17H45 et une de mes co-internes me proposa de
l’accompagner faire son ECG, histoire de faire quelque chose en attendant 18h
pour ne pas risquer de prendre un nouveau dossier qui s’avèrerait probablement
être chronophage et nous faire terminer beaucoup plus tard que prévu. Quand je
me remémore ce moment, je revois parfaitement le visage de ma co-interne se
décomposer quand la feuille de l’ECG a commencé à sortir de l’appareil, révélant
une flagrante onde de Pardee diffuse, signant un infarctus du myocarde en
direct. « Surement un bug, on va en faire un deuxième » proposai-je.
Evidemment, même résultat.
La patiente ne se plaignait d’aucune douleur, nous avons
tenté tant bien que mal de garder un calme apparent tout en sortant pour vite
aller demander l’aide d’un chef. La patiente est alors très vite partie pour
une prise en charge cardiologique adaptée, mais cela n’a pas suffi et elle est
décédée dans les heures qui ont suivi. Ce fut une vraie claque. Comment, alors
qu’elle consultait pour une constipation, s’est-elle retrouvée à faire un
infarctus, initialement asymptomatique, découvert sur un ECG à la justification
non classique, pour qu’aucun final, alors que le diagnostic a pu être posé, ne
pas s’en sortir ? Cet évènement m’a permit de réaliser pour la première
fois que, avec ou sans blouse, nous ne contrôlons rien.
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