La panique peut se manifester sous différente forme.
Beaucoup de gens pensent se connaitre et pouvoir prédire comment ils vont
réagir devant une situation de crise brutale, inattendue, mais je pense que nous
nous trompons tous. Il est impossible de prévoir ce que nous allons faire,
comment nous allons réagir. Et surtout il n'y a pas qu'un seul type de panique.
Mais cela je l'ai aussi appris durant ce stage.
C’était une garde de dimanche, ces gardes de 24h qui vous laissent
sur les rotules, épuisé, misanthrope, avec un besoin presque incontrôlable de
mal bouffe dès que possible (qui n’a jamais eu une sensation de bonheur intense
lors de la première bouchée d’un big mac en sortie de garde ?). La garde
avait été assez intense, mais fort heureusement la chef de nuit était bien plus
compétente et efficace que son homologue de jour. J’allais me coucher à 7h du
matin, quand enfin une accalmie pointait le bout de son nez entre les passages
aux urgences et les appels pour les problèmes dans les différents services de
de l’hôpital. Une demi-heure plus tard mon bip se mit à sonner. Une infirmière
de pneumologie m’appelait car un patient que j’avais fait hospitaliser dans la
nuit pour une décompensation de sa BPCO présentait une hémiplégie gauche depuis
15 minutes. Mes surrénales se sont alors vidées et j’ai foncé vers le service,
via les couloirs souterrains de l’hôpital pour y accéder plus rapidement. Une
fois sur place, je constate l’hémiplégie du patient, qui m’explique, avec
difficulté en raison de sa paralysie faciale, que cela s’est déclaré il y a une
vingtaine de minutes alors que tout allait bien à son réveil une heure
auparavant. ALERTE STROKE ! Panique à bord, mon cerveau part dans tous les
sens, mon examen clinique est ridicule, j’essaye de rester calme devant le
patient pour ne pas rajouter à sa propre peur et faire monter davantage sa
tension. J’appelle ma chef qui décroche aussitôt et me donne les numéros de
téléphone des différents hôpitaux susceptibles de prendre le patient en charge.
Je les note sur un bout de papier déjà recouvert à 90% de notes et de
gribouillis, et j’entame ma valse des numéros de téléphone.
« Nous n’avons plus de place », « nous
gardons la place pour un patient qui va arriver », « je ne peux pas
accepter votre patient » etc… finalement le dernier numéro est le bon, je
tombe sur un neurovasculaire, probablement l’interne de garde, qui me dit qu’il
n’y a aucun problème, et qui me demande des renseignement sur le patient et
l’épisode actuel, j’essaye de lui répondre tout en renversant la moitié des
feuilles du dossier du patient par terre. « On a environ 4h pour le
thrombolyser, si cela est possible et
s’il s’agit d’un accident ischémique, donc on va faire les choses bien, on a le
temps, vous êtes à 20 min en ambulance de chez nous, donc appelez dès
maintenant le SAMU et transférez le, on va tout préparer sur place ». Si
j’avais pu, je l’aurai serré dans mes bras, si fort. Son calme au téléphone, la
justesse de ses explications a été un vrai secours pour moi et m’ont permis de
repartir sur de bonnes bases. J’appelais le SAMU qui après une longue attente
et une opératrice avec qui j’ai du me battre pour qu’on m’envoie un véhicule du
SAMU et non pas une simple ambulance, j’explique au patient le déroulement de
la prise en charge. Soudain, une épiphanie. La glycémie ! Je ne lui ai pas
fait sa glycémie ! Crétin !! C’est la base, LE reflexe devant ce type
de tableau, le premier truc à faire, le plus simple, le plus rapide. Je fonce
chercher de quoi faire la glycémie du patient, et mon cerveau se met alors à
divaguer. « Qu’est ce qui est le mieux ? Que ce soit juste une
hypoglycémie, réversible facilement, traitable dans la minute, mais j’aurai
fait venir le SAMU et réservé une place en neurovasculaire pour rien, ou alors
que sa glycémie soit normal et que ce soit bien un AVC ? Quel horrible
pensée, comment puis-je une seule seconde souhaiter que la patient ait un AVC
plutôt qu’une hypoglycémie juste pour ne pas passer pour un abruti. Encore
aujourd’hui je m’en veux d’avoir eu, même une seule seconde cette pensée.
Finalement le patient est parti avec le SAMU, et deux jours après j’apprenais
qu’il s’en était sorti sans séquelle.
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