Les décès étaient fréquents dans le service du fait des
pathologies graves, parfois terminales de certains patients. Beaucoup étaient
attendus, et si les premiers surprennent un peu, on fini par vite se créer une
carapace vis à vis de cela, par obligation, afin de pouvoir être à 100% pour
les autres patients. Ce n’est aps être inhumain ou manquer d’empathie, c’et au
contraire un travail nécessaire pour se préserver soit même afin d’être apte à
prendre en charge correctement les autres patients aussi. Ce juste milieu entre
l’empathie et sa propre protection psychique est un sujet que je trouve
fascinant, d’une complexité effarante. On essaye de faire de son mieux pour
l’atteindre, ce juste milieu, malgré tout certaines morts brise notre carapace,
tout simplement parce que qu’on le veuille ou non, on est humain.
Mme N, 98 ans, a été admise dans le service pour une
pyélonéphrite sévère avec troubles majeurs de la conscience sur des
perturbations électrolytiques. Lorsqu'elle arrive dans le service, elle est
encore sous noradrénaline, ce qui n'est pas autorisé en salle hors service de
réa devant la surveillance et la lourdeur de prise en charge qu'implique ce
type de traitement. Un germe est vite retrouvé et une antibiothérapie est débutée.
Après 48h, la noradrénaline est arrêté, et doucement Mme N revient à elle, avec
comme principal soucis la qualité, ou plutôt la non qualité, de la nourriture
hospitalière et sa constipation (même Jésus il n’a jamais fait une telle résurrection !).
Son traitement a pu être passé par voie orale, et sa perfusion sera retirée
demain pour permettre son retour en maison de retraite. Mais le matin du
départ, lorsque j'arrive dans le service, sa chambre est vide, alors qu'elle ne
devait partir que dans l'après midi. Son dossier est sorti sur la paillasse de
la salle de soin, et l'infirmière m'apprend que Mme L est morte dans la nuit
d'une hémorragie digestive haute massive. Elle avait vomi du sang jusqu’à en
mourir. Le jour où elle devait quitter l'hôpital, alors qu'elle était arrivée
presque mourante et que la veille elle avait encore pesté contre son repas du
midi. Avais-je fait une erreur ? L'avais-je trop anticoagulée ? Je reprenais le
dossier dans son intégralité pour revoir ses derniers bilans, ses traitements à
la recherche du moindre indice qui aurait pu/du me mettre la puce à l'oreille,
me permettre d'anticiper cela et d'éviter que cela n'arrive. Mais à quoi bon,
je ne pouvais pas revenir en arrière. Au mieux j'aurai pu une nouvelle fois apprendre
de mes erreurs pour ne pas que cela se reproduise, mais le dossier ne m'apporta
rien. Elle était morte, et cela était irréversible. Je restais avec la peur
désormais que cela se reproduise pour n'importe quel autre patient.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire