samedi 5 septembre 2015

Tout controle est illusion (Médecine interne)

Les décès étaient fréquents dans le service du fait des pathologies graves, parfois terminales de certains patients. Beaucoup étaient attendus, et si les premiers surprennent un peu, on fini par vite se créer une carapace vis à vis de cela, par obligation, afin de pouvoir être à 100% pour les autres patients. Ce n’est aps être inhumain ou manquer d’empathie, c’et au contraire un travail nécessaire pour se préserver soit même afin d’être apte à prendre en charge correctement les autres patients aussi. Ce juste milieu entre l’empathie et sa propre protection psychique est un sujet que je trouve fascinant, d’une complexité effarante. On essaye de faire de son mieux pour l’atteindre, ce juste milieu, malgré tout certaines morts brise notre carapace, tout simplement parce que qu’on le veuille ou non, on est humain.


Mme N, 98 ans, a été admise dans le service pour une pyélonéphrite sévère avec troubles majeurs de la conscience sur des perturbations électrolytiques. Lorsqu'elle arrive dans le service, elle est encore sous noradrénaline, ce qui n'est pas autorisé en salle hors service de réa devant la surveillance et la lourdeur de prise en charge qu'implique ce type de traitement. Un germe est vite retrouvé et une antibiothérapie est débutée. Après 48h, la noradrénaline est arrêté, et doucement Mme N revient à elle, avec comme principal soucis la qualité, ou plutôt la non qualité, de la nourriture hospitalière et sa constipation (même Jésus il n’a jamais fait une telle résurrection !). Son traitement a pu être passé par voie orale, et sa perfusion sera retirée demain pour permettre son retour en maison de retraite. Mais le matin du départ, lorsque j'arrive dans le service, sa chambre est vide, alors qu'elle ne devait partir que dans l'après midi. Son dossier est sorti sur la paillasse de la salle de soin, et l'infirmière m'apprend que Mme L est morte dans la nuit d'une hémorragie digestive haute massive. Elle avait vomi du sang jusqu’à en mourir. Le jour où elle devait quitter l'hôpital, alors qu'elle était arrivée presque mourante et que la veille elle avait encore pesté contre son repas du midi. Avais-je fait une erreur ? L'avais-je trop anticoagulée ? Je reprenais le dossier dans son intégralité pour revoir ses derniers bilans, ses traitements à la recherche du moindre indice qui aurait pu/du me mettre la puce à l'oreille, me permettre d'anticiper cela et d'éviter que cela n'arrive. Mais à quoi bon, je ne pouvais pas revenir en arrière. Au mieux j'aurai pu une nouvelle fois apprendre de mes erreurs pour ne pas que cela se reproduise, mais le dossier ne m'apporta rien. Elle était morte, et cela était irréversible. Je restais avec la peur désormais que cela se reproduise pour n'importe quel autre patient.

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